Professor Marie-Vic Ozouf-Marignier, geographer-historian, is a professor at the École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS) in Paris. Her primary focus is on the one hand the different forms of territorial identity, and the history of their evolution between the 18th and the 20th century. On the other hand, her other major field of research consists of the politics of French and European regional development, questions of the political division of space, and the problem of regionalism.

She works on the different mental representations of space and the history of cartographical representations.

Furthermore, she is conducting prominent research in the field of the history of geography.

For more than two decades, she has played a vital role in establishing and maintaining fruitful relations between the Faculty of Arts of ELTE and the EHESS. She is generously contributing to educational and academic cooperation, and to the talent management and education of Hungarian students, doctoral students and young researchers.

Marie-Vic Ozouf-Marignier first visited Budapest 25 years ago and has been a recurrent guest speaker of the doctoral programme at the Atelier Department of Interdisciplinary History since then. She has been managing the joint doctoral programme of the two institutions on the French side since 2007. She has been organizing the reception of Hungarian doctoral students in Paris and has been the supervisor of several Hungarian Master’s students writing their theses. Furthermore, she has also been the coordinator of the Erasmus agreement between ELTE and EHESS since 2008. When she came to Hungary to teach at ELTE, she was surprised at how well-prepared the students were even in French history. She admits that she has greatly benefited – both professionally and personally – from the joint research occasionally involving several institutions.

Prof. Ozouf Marignier will give her honoris clausa lecture in French on 18 November 2020. The lecture will be online, but registration is required on the link below: https://btk.elte.hu/diszdoktorieloadas2020.

Please, find an interview below with Prof. Ozouf-Marignier on this occasion. The interview was made by Veronika Eszik, PhD candidate of the Atelier Department of ELTE.

Marie-Vic Ozouf-Marignier, géographe et historienne, directrice d’études à l’institution renommée d’être l’héritière de l’École des Annales, l’École des Hautes Études en Sciences Sociales à Paris, coordinatrice scientifique du Master Conjoint Erasmus Mundus TEMA+ Territoires européens: Patrimoine et développement, vient de recevoir son doctorat honoris causa, décerné par l’Université Eötvös Loránd de Budapest. Les recherches de la professeure Ozouf-Marignier portent sur les différentes formes de l’identité territoriale, ainsi que sur les questions de développement territorial français et européen. On a interrogé la nouvelle docteure honoris causa de ELTE sur ses recherches et sur sa coopération avec ELTE, notamment avec l’Atelier – Département d’Histoire Interdisciplinaire.

Qu’est-ce qui vous a inspiré aux débuts de votre parcours quand vous avez choisi les croisements de l’histoire et de la géographie comme principal domaine de recherche ?

            C’est très simple, j’ai commencé à faire mes études en géographie, et ensuite, j’ai fait ma thèse en histoire. Et c’est depuis ce moment-là que j’ai toujours voulu faire à la fois de la géographie et de l’histoire. Mon sujet de thèse était déjà d’une perspective de géographie historique en travaillant notamment sur l’organisation territoriale et administrative de l’époque révolutionnaire en France. Par la suite, j’ai voulu réfléchir à la fois d’une façon historique et épistémologique sur le croisement de l’espace et du temps, et aussi continuer à mener des travaux sur certaines périodes – j’ai aussi travaillé sur la fin du 19e siècle – sur ces questions d’organisation territoriale.

Quelles sont les questionnements scientifiques qui définissent vos recherches en cours, les problèmes dont vous êtes enthousiaste aujourd’hui ?

Je m’intéresse actuellement plutôt aux composantes politiques de l’organisation territoriale et plus généralement de la fabrique par exemple de la ville et du territoire. C’est plutôt de s’intéresser à la politique publique qui donc façonne le territoire et la ville, parce qu’ils ont été considérablement transformés ces dernières années avec la série des lois qui ont porté sur la décentralisation et aussi la montée d’une démarche participative de la part des habitants. On a eu affaire à une transformation profonde de la manière de concevoir et d’aménager la ville et les territoires et cette transformation m’a personnellement passionnée et m’a conduite aussi à revenir à des travaux qui portent plus sur le présent. Ma perspective d’historienne par rapport à ce présent c’est d’essayer d’appréhender les transformations présentes par rapport au temps long et donc de comprendre dans quelle mesure il y a des continuités qui malgré tout s’affirment, et au contraire, certaines ruptures majeures. C’est toujours en termes d’appréciation du changement, pour moi, c’est le rôle de l’historien : travailler sur le changement.

A l’EHESS, vous êtes directrice d’études du Groupe de géographie et d’histoire des territoires, de l’environnement, des ressources et des sociétés – une équipe de recherche dont le nom a été récemment enrichi d’un nouveau élément, de l’environnement notamment. L’historiographie française est souvent critiquée car elle aurait joint avec un certain retard au courant de l’histoire environnementale en partie justement en raison de ses propres traditions fortes dans le traitement des questions territoriales : l’héritage de l’École des Annales, très présent à l’EHESS. Comment voyez-vous la position de l’histoire de l’environnement en France, et l’impact de l’École des Annalessur le développement historiographique de ce domaine ?

            Oui, il y a des choses qu’il faut avoir en tête, d’abord qu’en France – c’est une particularité je pense parmi les autres pays – l’histoire et la géographie sont toujours enseignées ensemble, et autrefois la géographie était vraiment dans la dépendance de l’histoire. Et la deuxième chose c’est qu’en effet, les historiens et aussi les géographes ont étudié donc depuis les débuts du 20e siècle la relation entre l’homme et le milieu naturel. Et donc quand on a commencé à se réinteresser aux questions d’environnement dans les années ’80, il y a eu un peu le sentiment que « mais on avait déjà fait ça ! ». Donc on a en quelque sorte manqué le train, on n’a pas pris la route parce que l’on avait l’impression qu’on a déjà une antériorité de réflexion sur cette question-là, et on n’a pas su immédiatement renouveler les sujets d’intérêt avec les nouveaux questionnements donc de l’histoire environnementale comme elle pouvait être pratiquée dans d’autres pays. Pour s’intéresser par exemple aux questions des nuisances industrielles, de pollution, etc., il a fallu attendre une deuxième génération de travaux qui est venue plutôt dans les années 2000.

L’EHESS est en elle-même un milieu de recherche international. Vous êtes en plus en relation professionnelle permanente avec des collègues et des étudiants hongrois depuis longtemps. Est-ce que votre familiarité dans ces différentes cultures scientifiques vous inspire en quelque sorte dans vos travaux sur l’identité territoriale, sur des mappements mentaux, etc. ?

Tout à fait. Quand j’ai fait la connaissance de l’Atelier et de ses membres, j’ai été très intéressée par la manière dont était travaillée la question de l’identité nationale et de la construction de la nation. Moi, j’avais travaillé surtout sur les identités régionales et la construction de la régionalisation en France, mais je trouvais vraiment beaucoup de points communs dans ces processus, même si l’échelle était différente. Cela a réellement constitué pour moi une source d’inspiration que de pouvoir donc connaître la manière de travailler des historiens de l’Université ELTE. En plus de la coopération pour l’enseignement, on a eu de nombreuses occasions d’échanger lors des colloques internationaux, où en effet on a pu travailler sur ces thèmes de la structuration de l’espace européen, et même dans un temps long, puisqu’il y avait aussi des historiens médiévistes. Toujours aujourd’hui, certaines des réflexions qu’on a pu construire ensemble à ce moment-là continuent à être vraiment des références importantes dans ma manière de travailler.

Votre coopération avec l’Atelier a une longue histoire, une histoire qui dure depuis plus de 25 ans. Pourriez-vous nous évoquer quelques moments remarquables de ces années ?

Ce qui est bien intéressant, c’est que cette coopération existe depuis en réalité beaucoup plus que 25 ans, puisqu’elle avait commencé au moment où elle a été fondée par le professeur Granasztói en liaison avec l’historien Jacques Le Goff et par la suite Jacques Revel, ainsi que la sociologue Rose-Marie Lagrave. Moi, je suis donc l’héritière de cette longue tradition de coopération, mais je l’ai connue d’abord par les étudiants hongrois qui sont venus étudier à l’EHESS. Il se trouve qu’à la fin des années 1990 c’était le moment où György Granasztói avait vraiment développé ses travaux en histoire urbaine, et ses étudiants travaillaient en histoire urbaine, et venaient à l’EHESS pour suivre notamment les enseignements de l’historien Bernard Lepetit et de mon directeur de thèse, Marcel Roncayolo, qui étaient tous deux des spécialistes également de l’histoire urbaine. Et je me souviens qu’à l’époque, j’ai pu côtoyer donc ces étudiants, et – j’étais jeune enseignante -, j’ai même participé à l’évaluation de leurs mémoires, j’étais membre de leur jury. C’est comme ça que j’ai fait connaissance d’abord avec l’Atelier franco-hongrois, et par la suite j’ai connu leurs professeurs quand je suis allée enseigner là-bas. J’étais accueillie par Gyula Benda et par György Granasztói, et tout de suite ils étaient très chaleureux, j’ai eu l’impression d’être intégrée très rapidement. Longtemps après, György Granasztói avait évoqué le fait que l’Atelier, c’était comme une famille franco-hongroise.

Vous avez mentionné l’histoire urbaine comme l’intérêt partagé et par des historiens français et par des collègues hongrois. Est-ce que c’est facile de trouver des points communs pareils, où jugez-vous l’intégration des étudiants de l’Europe Centrale dans le contexte scientifique international plutôt difficile ?

            C’est là que la rencontre a été fructueuse parce que je pense qu’il était facile de pouvoir échanger entre des historiens qui avaient tous une formation plutôt en histoire sociale, et donc qui prenaient la ville surtout du point de vue démographique, du point de vue de sa composition sociale et aussi de ses activités économiques. Nous à l’EHESS, nous avions cette particularité qu’on s’intéressait aussi à la matérialité de la ville, c’est-à-dire vraiment à sa structure urbaine, et à la manière dont elle avait été conçue sur le plan urbanistique et architecturale. Cela a apporté une dimension supplémentaire que c’était très bien enseigné justement par des gens comme Bernard Lepetit, Marcel Roncayolo et même un autre historien, Louis Bergeron, qui est spécialiste de Paris. Je me souviens que les étudiants hongrois apprenaient beaucoup et étaient très contents de finalement essayer d’apprendre à travailler avec des plans, avec des cartes, et d’étudier cette différenciation qui pouvait exister entre différents quartiers d’une ville, et tout ce qui relève plus de la géographie. C’était certainement l’un des apports importants de notre échange, mais qui demandait certes des efforts pour les étudiants hongrois, parce qu’en effet ils n’avaient pas forcément eu déjà des notions nécessaires, et ils n’étaient pas forcément non plus accoutumés à utiliser des sources venant de la géographie.

Finalement, comment voyez-vous l’avenir de cette coopération ? Dans un contexte scientifique de plus en plus dominé par l’anglais, pourquoi est-il important de nourrir une communauté scientifique exclusivement francophone, et comment peut-on conserver ses valeurs ?

Je pense que pour les raisons qu’on a déjà évoquées, elle a toujours son sens, parce que l’école des historiens et historique des Annales subsiste, a toujours sa fécondité et il est intéressant de la travailler dans la langue où elle a été produite. Je pense aussi que l’intérêt de maintenir cette francophonie tient aussi à une culture française et francophone qui est très différente de la culture anglophone. Et j’en veux pour preuve des courants d’études qui portent sur certaines notions qui ne sont pas utilisées de la même manière dans le monde anglophone et dans le monde francophone. Par exemple la notion de communauté, qui a toute une série de sens dans le monde anglophone et qui reflète bien la civilisation des pays anglophones. Elle n’est pas du tout comprise de la même manière dans le contexte francophone. A l’envers, par exemple, la notion de territoire, que je travaille beaucoup, elle renvoie à un fond commun de réflexion dans les pays de langues latines, mais territory en anglais n’est pas tellement utilisé. On se sert beaucoup plus de termes comme place ou space, qui n’ont pas les mêmes connotations. Dans cette mesure, je pense que même si on veut maintenant poursuivre les changes, c’est le cas un peu d’ailleurs, on poursuit la coopération en l’anglicisant un peu, mais il est important de pouvoir toujours trouver des francophones parmi les étudiants et les professeurs de l’Atelier et de pouvoir échanger en français pour ces subtilités conceptuelles et aussi pour saisir certains des aspects des traditions historiographiques.

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OCTOBER 2020

By NO Comment November 6, 2020